Lorsqu’un parent se retrouve face à des émotions contradictoires envers son propre enfant, le sentiment de culpabilité peut rapidement s’installer. L’amour parental, souvent idéalisé, ne correspond pas toujours à la réalité quotidienne, faite de fatigue, de stress et de défis constants.
Dans les familles, le poids des attentes sociales s’ajoute à la charge. Cette pression de la perfection creuse l’écart entre l’image véhiculée et ce que l’on ressent vraiment, au point de faire douter de soi. Il faut pourtant accepter que l’amour parental ne se vit pas toujours sur le même mode, ni avec la même intensité. On ne devient pas mauvais parent pour autant. Il s’agit, au contraire, d’apprendre à faire face à ces émotions, à leur donner sens et à trouver des réponses adaptées.
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Les causes d’un amour qui semble s’effacer
L’amour pour un enfant ne suit pas une trajectoire rectiligne. Il évolue, se fragilise parfois, puis reprend autrement. Plusieurs situations expliquent ce sentiment de distance, souvent vécu dans la solitude. L’épuisement parental, par exemple, peut anesthésier toute émotion. Sophie, mère d’un adolescent, raconte sans détour : « J’étais submergée par la fatigue, incapable de ressentir de la tendresse pour mon fils. »
Les blessures du passé pèsent aussi. Pour Anne-Sophie, marquée par un accouchement traumatique et des violences obstétricales, le lien avec ses deux filles s’est construit sur des séquelles invisibles, difficiles à dépasser.
Parmi les situations fréquemment rencontrées, on retrouve :
- La dépression post-partum, qui rend la création du lien avec le bébé laborieuse et douloureuse.
- Les accouchements difficiles ou la prématurité, dont l’impact sur la relation mère-enfant se fait sentir bien après la naissance.
- Le burn-out parental, véritable effondrement énergétique qui brouille toute sensation d’amour ou de proximité.
Le regard de la société pèse lourd sur les épaules parentales. Nicolas, père de deux filles, résume ainsi la difficulté : « Les attentes de la société sont élevées. On doit être parfaits, ce qui crée une pression immense. » Ce regard extérieur parasite l’investissement affectif, rendant la connexion plus fragile.
L’adolescence marque par ailleurs une période charnière. Les incompréhensions s’accumulent, la distance s’installe, et le dialogue se complique. Reconnaître la diversité de ces causes aide à poser un nouveau regard sur ces hauts et ces bas émotionnels. S’autoriser à les nommer, c’est déjà commencer à les traverser.
Un tabou parental omniprésent
L’idéal collectif voudrait que l’amour parental soit absolu, inaltérable, inscrit dans la nature humaine. Mais la réalité s’écarte souvent de cette version idéalisée. Elena Goutard, coach parental, le constate : « De nombreux parents se sentent coupables de ne pas ressentir cet amour inconditionnel de manière constante. » Cette culpabilité s’enracine dans le silence, alimente la gêne, et isole ceux qui la vivent.
La psychologue Florence Millot, experte en gestion émotionnelle familiale, souligne un phénomène amplifié par les réseaux sociaux. « Les parents sont bombardés d’images de familles parfaites, ce qui exacerbe leur sentiment d’échec. » Ce décalage entre vitrine et vécu alimente la frustration, la honte, la peur d’être jugé.
Ce tabou entraîne des conséquences bien réelles, que voici :
- L’isolement, quand le parent se replie sur lui-même pour éviter la stigmatisation.
- Le silence, qui enfouit les émotions et les rend plus lourdes à porter.
- Une pression accrue, nourrie par l’envie d’atteindre une image idéalisée, jusqu’à l’épuisement.
Pour Nathalie Lancelin-Huin, psychologue en périnatalité, il est nécessaire de solliciter un accompagnement pour sortir de cette impasse. « Consulter un thérapeute permet de mettre des mots sur les émotions et de déculpabiliser. » Créer des espaces de paroles libère déjà une partie du fardeau.
La psychologue Claire Dahan partage ce point de vue : « La normalisation de ces sentiments dans les discours publics peut aider à lever le tabou. » Briser le silence, c’est ouvrir la voie à d’autres récits, à des solutions, à une relation renouvelée.
Rechercher la cause de votre déprime post-naissance
Pour sortir de la spirale de la distance, il faut d’abord comprendre ce qui l’a provoquée. Parmi les facteurs les plus courants, la dépression post-partum occupe une place centrale. Elle se manifeste par un désintérêt, une incapacité à tisser un lien, qui peut évoluer vers un burn-out si rien n’est fait. Même le baby blues, souvent banalisé, peut parfois basculer vers une vraie dépression.
Les violences obstétricales, les accouchements compliqués, la prématurité : tous ces événements laissent des traces durables sur la façon de vivre la parentalité. Quand le choc initial n’est pas surmonté, un sentiment de séparation s’installe, comme un mur invisible entre parent et enfant.
La pression sociale, le souci de bien faire, le perfectionnisme, viennent encore alourdir le quotidien. Le burn-out parental, cet effondrement de l’énergie, éteint peu à peu la capacité d’être disponible, en pensée comme en affection. Repérer ces déclencheurs, c’est déjà amorcer un tournant.
Parfois, la déprime post-naissance s’enracine dans des blessures plus anciennes : enfance difficile, histoire familiale complexe, ou conflits non réglés. Ces nœuds, s’ils ne sont pas dénoués, compliquent l’apparition du sentiment d’attachement. Un accompagnement thérapeutique permet d’en explorer les racines et d’ouvrir un chemin vers la réparation.
Retrouver la connexion perdue
Pour renouer avec son enfant, l’appui d’un professionnel fait souvent la différence. Psychologues et thérapeutes spécialisés en périnatalité apportent des outils pour dépasser les blocages et restaurer une relation plus sereine. Si le sentiment d’être submergé devient trop lourd, il ne faut pas rester seul.
Voici des pistes concrètes à explorer pour avancer :
- Soutien professionnel : consulter un psychologue ou un thérapeute formé à la parentalité.
- Prendre soin de soi : s’accorder des moments de repos pour retrouver de l’énergie.
- Réinventer la relation : chercher de nouvelles manières d’être ensemble, même simples.
Accorder du temps à ses propres besoins n’a rien d’égoïste. Un parent qui se repose, qui s’accorde une pause, retrouve plus facilement l’envie d’être présent. Un bain, une marche, quelques minutes de silence : ces petites bulles de répit rechargent, sans culpabilité.
La relation avec l’enfant peut aussi se réinventer dans le quotidien. Partager une activité, échanger un sourire, proposer un jeu ou une sortie : chaque instant complice, même bref, devient une pierre pour reconstruire le pont. Ce sont souvent les gestes les plus simples qui rouvrent la voie.
L’amour parental, loin d’être figé, traverse des phases, se transforme, parfois vacille. Il se renforce aussi, à mesure que l’on apprend à s’écouter et à écouter l’autre. La reconnexion ne s’effectue pas du jour au lendemain, mais chaque pas rapproche du lien désiré. Un jour, le regard croisé, la main serrée, rappellent que rien n’est jamais perdu, tant que l’on avance ensemble.
